Le système des droits télé du foot, longtemps considéré comme stable en Belgique, est désormais une poudrière où la moindre parole, un silence mal interprété ou une petite clause contractuelle peut modifier l’équilibre d’ensemble. Le cloaque, cette fois, n’est pas une image, c’est la réalité dans laquelle pataugent clubs, diffuseurs, opérateurs et supporters depuis le clash de mardi midi. Pourra-t-on suivre la 16e journée de championnat via les écrans ? Rien n’est moins sûr.
1 Écran noir ou pas, ce week-end ? Rare certitude dans cet embrouillamini: on jouera! Mais à moins de quarante-huit heures de Malines – Standard (vendredi 20h45), en ouverture d’une 16e journée soudain devenue un champ de bataille juridique, une forme de continuité doit prévaloir sur le chaos que l’on redoute. On le sait depuis mardi midi, DAZN affirme que le contrat s’est éteint de lui-même, faute de distribution auprès de minimum deux opérateurs et de viabilité économique, « conditions essentielles impossibles à remplir » selon la plateforme de streaming britannique.
Une version que la Pro League conteste frontalement, au point que Lorin Parys, son CEO, y voit un « attentat contre le foot belge » (sic). Bref, dans ce brasier contractuel, deux visions diamétralement opposées se font face, que seule une décision judiciaire devra trancher. Ce mercredi, la Pro League a ainsi introduit (auprès du CEPANI, à Bruxelles, un centre actif dans la résolution de différends en dehors des tribunaux étatiques) une demande d’arbitrage d’urgence contre DAZN, pour contraindre la plateforme à respecter ses engagements envers les clubs belges jusqu’à ce qu’il y ait une décision sur le fond. Une forme de « continuité par défaut », comme si on maintenait la lumière allumée le temps de comprendre qui peut manier l’interrupteur.
Pour autant, cette plainte ne signifie pas qu’une solution rapide sera concrètement trouvée, l’urgence étant une notion très relative. Selon nos confrères de Sporza, l’audience devrait se tenir en début de semaine prochaine, le juge disposerait alors d’un délai maximal de 15 jours pour rendre sa décision. L’indécision devrait donc se prolonger pour les deux ou trois prochaines journées de compétition.
2 Une « union sacrée » face à l’urgence, plausible ?
À côté de ce scénario de base existe, dans l’absolu, celui des solutions d’urgence, complémentaires : appui technique ponctuel de la RTBF (qui a de toute façon prévu deux équipes light, pour ses propres productions) et de la VRT, pour au moins garantir la vision des buts, des moments clés, d’un résumé qui sauve le strict nécessaire ; mobilisation des télévisions locales (médias de proximité), disposant a priori de moyens de captation. Bref, une forme de rassemblement, d’union sacrée qui permettrait, au nom de l’intérêt général, de maintenir un minimum vital d’images, même à moyens réduits.
Le VAR, lui, serait myope mais pas totalement aveugle, grâce au système de caméras fixes présent dans chaque stade de D1, moyennant ajout de quelques caméras.
La tentation pourrait être aussi de faire ponctuellement appel aux chaînes propres aux clubs, type Mauve TV pour le Sporting d’Anderlecht, mais le danger est évident : ouvrir cette porte reviendrait à renforcer l’idée, déjà prégnante chez plusieurs dirigeants, que l’autogestion des droits club par club est possible.
Soyons clairs : ces alternatives, même louables, ne seront pas mises en œuvre. Selon nos sources, il n’est pas question pour la Pro League d’activer de tels dispositifs « palliatifs », avant tout pour ne pas se mettre en porte à faux vis-à-vis du contrat conclu avec DAZN. Il faut impérativement rester dans les clous, pour éviter toute brèche contractuelle dans laquelle l’autre partie pourrait s’engouffrer.
3 Les autres diffuseurs à l’affût ?
Proximus, Telenet… La plupart des diffuseurs « historiques » ont rappelé à l’envi, dans la foulée de la déflagration, qu’ils étaient disponibles pour la suite des tractations. Et même dès ce week-end, sur le strict plan technique et logistique s’entend. On sait par ailleurs que la société Woestinjvis maîtrise comme personne la « grammaire » du foot télévisé, en termes de production (elle œuvre pour la Champions League sur Telenet et Proximus et est également à la manœuvre pour la Premier League et Bundesliga sur Play Sports).
4 Live en radio, La Tribune… Quid du contrat avec la RTBF ?
Sur ce point, aucune ambiguïté, : La Tribune aura bien lieu lundi soir sur Tipik, quelles que soient les péripéties du week-end. Si les images ne sont pas disponibles, l’émission de débrief se fera sans elles. Comme au début de saison en somme, avant que l’accord avec DAZN ne soit validé. Le format se rapprocherait alors de ce que certaines chaînes françaises, italiennes ou britanniques pratiquent avec succès : un talk-show pur, rythmé par la parole des consultants, leur regard sur les rencontres auxquelles ils auront assisté différemment, au stade, via les données, etc.
Par ailleurs, le contrat radio signé avec la RTBF, lui, n’est évidemment pas menacé, et constitue même une forme de rambarde dans la tempête, qui garantit une couverture continue et fiable. Un média rassurant dans un champ de mines.
5 Que faire si vous êtes abonné à DAZN ?
Selon certaines sources, environ 140.000 personnes se seraient abonnées à DAZN depuis l’ouverture de la saison. Leur question est légitime, simple et urgente : « Pouvons-nous rompre notre abonnement et récupérer notre argent ? » Testachats appelle pour l’instant à la prudence : mieux vaut ne rien précipiter, attendre l’évolution du dossier dans les prochaines heures, les prochains jours. Si la 16e journée n’était pas retransmise, la base juridique serait de facto claire : un élément essentiel du contrat (la diffusion des matches) disparaît, ce qui permettrait à l’abonné de résilier son contrat sans frais.













